Il y a une égale compétence des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, en matière de référé, pour les demandes d’instruction (expertise) dès lors qu’une partie du litige peut relever, ne serait-ce pour partie au fond, de la compétence de l’ordre de juridiction saisie. Une illustration en est donnée par la décision ci-après reproduite (T. conflits 05 juillet 2019 n° 03162 ) et met en lumière ce principe maintes fois rappelé par le Tribunal des conflits, et souvent méconnu en pratique pour la gestion du procès.
Texte intégral
Vu, enregistrée à son secrétariat le 18 mars 1999, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant l’association Les Tournelles au PREFET DE SEINE-ET-MARNE, au préfet d’Ile-de-France et à l’Association Entraide Universitaire devant le tribunal de grande instance de Meaux ;
Vu le déclinatoire présenté le 21 décembre 1998 par le PREFET DE SEINE-ET-MARNE tendant à voir déclarer la juridiction de l’ordre judiciaire incompétente par les motifs que l’Etat ne saurait se voir opposer l’expertise judiciaire sollicitée du juge des référés, dans le litige relatif à la dévolution à l’Association Entraide Universitaire, du patrimoine de l’association Les Tournelles affecté à l’établissement qu’elle gère ;
Vu l’ordonnance du 13 janvier 1999 par laquelle le juge des référés a rejeté le déclinatoire de compétence ;
Vu l’arrêté du 26 janvier 1999 par lequel le PREFET DE SEINE-ET-MARNE a élevé le conflit ;
Vu l’ordonnance du 17 février 1999 par laquelle le juge des référés a sursis à toute procédure ;
Vu, enregistré le 19 avril 1999, le mémoire présenté pour le ministre de l’emploi et de la solidarité, concluant à la confirmation de l’arrêté de conflit ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l’ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l’ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu la loi n° 89-905 du 19 décembre 1989 et la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Bargue, membre du Tribunal,
– les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par arrêté du 1er septembre 1998, le PREFET DE SEINE-ET-MARNE a ordonné la fermeture provisoire de l’institut médico-social du Château des Tournelles à Hautefeuille, géré par l’association d’aide à l’enfance et à l’adolescence inadaptée Les Tournelles ; que par arrêté du 7 octobre 1998, le préfet a autorisé le transfert de la gestion de cet institut en faveur de l’Association Entraide Universitaire ; que l’association Les Tournelles a assigné en référé les préfets de Seine-et-Marne et d’Ile-de-France, ainsi que l’Association Entraide Universitaire aux fins de faire désigner un expert chargé, notamment, de déterminer la part de la propriété de Hautefeuille financée par les fonds propres de l’association et d’en déterminer la valeur locative annuelle ;
Considérant qu’en l’état où la demande ne tend qu’à voir ordonner une mesure d’instruction avant tout procès et avant même que puisse être déterminée, eu égard aux parties éventuellement appelées en la cause principale, la compétence sur le fond du litige, mais que le fond du litige est de nature à relever, fût-ce pour partie, de la compétence des juridictions de l’ordre auquel il appartient, le juge des référés se trouve valablement saisi de cette demande ; qu’il s’ensuit que le juge judiciaire a pu appeler en la cause le préfet aux fins de lui rendre commune l’expertise ordonnée dans le cadre du litige éventuel entre les deux associations et relevant de sa compétence ;
Article 1er : L’arrêté de conflit pris le 26 janvier 1999 par le PREFET DE SEINE-ET-MARNE est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d’en assurer l’exécution.